Thierry , 52 ans Burkitt , Marseille
Je m'appelle Thierry, j'ai 52 ans. En août 1985, suite à un malaise (dont on ne trouva l’origine que 6 jours après), j’ai été hospitalisé à Marseille à l’Institut Paoli Calmettes pour y soigner un lymphome de Burkitt de stade IV avec envahissement médullaire. Je venais juste d’obtenir au mois de juillet mon bac A2 que je venais de repasser … Un an avant, une fièvre d’origine mystérieuse m’avais empêché de pouvoir présenter mon examen dans de bonnes conditions.
Je me souviens encore très bien des mots de l’interne qui m’expliqua ce dont je souffrais sans prononcer le mot cancer … J’avais 20 ans à l’époque et je voulais connaître beaucoup d’éléments sur ma maladie, l’interne répondit alors à toutes mes questions … Dès lors, j’étais prêt à me battre pour m’en sortir. L’interne m’expliqua également que la fièvre mystérieuse dont j’avais souffert un an avant était alors une première manifestation de la maladie.
Le premier traitement n'étant pas assez efficace, les médecins tentèrent un nouveau traitement expérimental qui se révéla performant. Tout ce se passa très bien, avec effets secondaires classiques, vomissements, perte de cheveux… pas d’infections liées aux aplasies…au traitement. J’avais même grossi à tel point qu’au début de mon traitement, je pesais 55 kg, à ma sortie définitive de l’Institut, je pesais 63 kg. Il est vrai que les repas à l'hôpital est vraiment très bons et copieux … quand je parvenais à manger correctement.
En octobre, le Professeur Gastaud m’expliqua que, comme je réagissais très bien au traitement, j’allais subir dans les mois qui suivent une autogreffe de moelle osseuse. Le 18 novembre 1985, les infirmières, médecins vinrent me voir pour me dire que mon dernier myélo était super et que j’étais en « RC » soit rémission complète ». Le lendemain, je descendis au bloc pour le prélèvement de moelle osseuse. Dés lors, les chimios suivantes dites d’entretien étaient moins fortes et le 24 février 1986, j’entrais dans une bulle dans le service du Docteur Maraninchi pour ma greffe de moelle qui fut réalisée le 7 mars. J’y restais 42 jours … J’ai eu une septicémie, plus de 40 de fièvre, j étais contagieux, bref … j’ai « dérouillé » …. Je me souviendrai toujours des mots de Madame Gorgi, l’infirmière en chef qui me disait tous les jours « Thierry, bâts-toi le combat n’est pas fini !!! » J’ai quitté définitivement l’hôpital le 6 mai 1986 et j’ai alors été suivi par le docteur Camerlo. La surveillance médicale s’est espacée avec le temps …
Je dis toujours que mes parents étaient plus malades que moi car voir leur fils maladie était terrible. Alors que moi, j’avais un moral d’acier, le traitement réduisait rapidement la tumeur … Je pense également que le fait d’obtenir de nombreuses informations sur le traitement, la maladie m’a permis de mieux lutter contre le lymphome car on comprend mieux contre quoi on se bât. Je n’oublierai jamais toute la gentillesse, le professionnalisme, le dévouement, de tout le personnel (corps médical etc.) que je considère toujours comme ma seconde famille.
Depuis, 32 années se sont écoulées. Le fait d’avoir eu un cancer a été est un très lourd handicap, surtout lorsque j’ai cherché du travail …Une directrice mal intentionnée n'a pas hésité de parler de mes antécédents médicaux pour me discréditer auprès d'un employeur. Bénéficiant d’une allocation adulte handicapé, j’ai dû me battre avec la COTOREP pendant 2 ans pour que je puisse être reconnu travailleur handicapé, qu’on me supprime ladite allocation afin que je puisse m’insérer dans le monde du travail (ceci malgré les certificats des médecins reconnaissant mon aptitude à travailler sur des postes administratifs). Que de temps perdu !!!! Les médecins ont tout fait pour me guérir alors que la COTOREP a bloqué toutes mes démarches pendant longtemps … J’avoue avoir même après tant d’années ressentir toujours en moi autant de colère après cette structure. (Quand on pense qu’un médecin en commission a même dit : « Vous prenez la responsabilité de le faire travailler, je m’en lave les mains »). Ces propos m’ont été rapporté par le prospecteur placier qui s’occupait des travailleurs handicapés), à qui je dois d’avoir pu m’intégrer dans le milieu du travail car, comme il me l’avait expliqué à l’époque : « Je me suis mouillé pour toi ». Un grand merci à vous François, aussi à votre frère ainsi qu’à Antoine, un vieil ami qui m'a connu bébé et à qui je dois aussi beaucoup.
Depuis ma maladie, je porte un autre regard sur la vie et quand je vois certaines personnes se plaindre pour des broutilles, je souris … J’ai appris à relativiser … La maladie m’a forgé et endurci le caractère mais ne l’a jamais aigri … Je crois aussi que lorsqu’on a été gravement malade, on voit aussi qui sont ses vrais amis. Ceux qu'on revoit toujours 32 ans après … Avoir eu ce cancer aura été pour moi voir ma vie exploser, vie professionnelle, sentimentale, sociale … mais 32 ans après comme dit Renaud "toujours vivant" … J'ai recollé comme j'ai pu les morceaux et je me suis reconstruis, ce ne fut pas toujours facile mais face à l'adversité il faut avancer … Un grand merci aussi à Daniel, mon kiné qui m'a connu enfant et qui m'aidé à me reconstruire physiquement … Je me rappelle de ce qu'il m'avait dit bien après ma maladie :"Tu sais Thierry quand je t’ai vu arriver j'ai dit à Eliette (sa femme), qu'est ce que je vais faire avec ce pauvre Thierry …" Deux ans après ma la maladie je reprenais le tennis …
Ces 200 jours d'hospitalisation auront été une rude épreuve, un combat de tous les jours, aidé par un personnel d'une grande humanité et à qui je dis toute ma reconnaissance et aussi mon admiration pour avoir toujours été présent et disponible … Il y a un avant et après la maladie … Dans ce combat, j'ai beaucoup de chance, notamment lors de mon malaise, d'avoir été hospitalisé 6 jours à l'Hôpital de Sainte-Marguerite de Marseille grâce au médecin de garde des urgences qui en m'auscultant ne comprenait d'où venait ma forte fièvre et mes pulsations cardiaques (130 à ma minute). Beaucoup de chance car comme m'avait dit le Professeur Gastaut lors de mon traitement : " 3 semaines après c'était plus rattrapable …"
Après le combat contre la maladie il y aura eu après le combat pour retrouver une vie sociale, un combat qui fut pour moi aussi très difficile, souvent je me suis dit que j'étais un pestiféré car notamment chercher un travail après un cancer c'est une rude épreuve eu égards aux préjugés, aux gens qui vous mettent des bâtons dans les roues etc. … Les gens vous regardent d'une manière étrange … Mais la vie a continué, "Show must go on " et comme j'aime bien le dire, ce qui ne te détruit pas te rend plus fort…"