Franck , 41 ans Lymphome anaplasique

L’ART ET LA MANIERE La relation patient/médecin

Je m'appelle Frank, j'ai 41 ans. Fin 2009, il m’est été diagnostiqué un lymphome anaplasique à grandes cellules CD 30 + ALK-, touchant les lymphocytes T. Je suis aujourd'hui, en 2014, en rémission complète et sorti de tout traitement. Mes soucis de santé commencent par une péricardite quatre mois avant l'annonce du lymphome. Celle-ci s'éternise. De multiples examens et l'apparition des symptômes communs aboutissent alors au verdict final. Il nous est annoncé lors de notre premier rendez-vous par l'hématologue qui me suit encore à ce jour. Paradoxalement, je vis l'annonce comme une libération après ces quatre mois de recherches sans réponse. Je ne louerai jamais assez la qualité de l'entretien avec ce médecin qui, tout en imposant naturellement le respect, a su se montrer si proche, si compétente, si concernée. Un ton calme, posé, des paroles factuelles mais empreintes d'espoir à l'aube de ce combat à venir. Ce point me semble essentiel. Le rapport de confiance doit s'instaurer immédiatement entre le patient et l'hématologue. La dimension humaine est vitale. Je suis probablement un pion supplémentaire dans la longue liste de malades, mais je ne l'ai pas vécu ainsi. J'ai senti un appui solide à mes côtés. La voix, la douceur, le regard sont à mon sens des atouts qui atténuent la brutalité de l'annonce. Toutes mes questions trouvent des réponses, les traitements à venir, leurs effets, le pronostic… Je ne sens pas que quoique ce soit me soit caché et tant mieux, j'ai soif de savoir. Je pars heureux et confiant, je conçois que mon cas diffère sûrement d'autres patients, mais à chacun son parcours. Tout au long de la maladie, je trouve la prise en charge excellente, de la part de mon hématologue mais aussi de tout le service, infirmières, internes, personnel. C'est aussi cela la qualité, quand tous sont à l'unisson ! J'apprécie l'organisation, des informations claires et des équipes rodées. A domicile, j'ai tous les numéros à composer en cas de soucis, j'ai une référente attitrée adjointe à mon médecin, je sais que je ne suis jamais seul, c'est rassurant. Je suis très heureux de conserver encore à ce jour le même hématologue, c'est confortable et je pense que c'est important quand le contact est harmonieusement établi. Lors de chaque examen ou traitement, je reçois des informations orales et écrites sur les précautions à prendre, le déroulé, les effets secondaires possibles. Tout est rigoureusement consigné. Je souffre, mais je ne suis jamais surpris des effets puisque j'en suis informé. La douleur, elle, ne s'explique pas, on l'attend et on la découvre lorsqu’elle nous saisit. Tout ne peut s'expliquer au degré exact. Après quelques mois, mon hématologue nous informe que nous avons le droit à un deuxième avis si nous le souhaitons. Peu rassurant si l'on y pense. Mais on se lance. Et là encore, une écoute excellente, des réponses détaillées, 45 minutes d'entretien... quelle disponibilité ! Nous y sommes allés un peu inquiets, nous en ressortons confortés, enchantés de tant d'informations, toutes nos questions ont trouvé réponse, sans l'ombre d'un doute apparent. Ce deuxième avis ne doit pas être minimisé quant à l'attente qu'a le patient de celui-ci. D'un autre côté, notre quotidien ne s'articule pas uniquement (et heureusement) autour des milieux de soins, mais bien à domicile le plus souvent. Nos familles, nos amis deviennent alors nos alliés, bien que désarmés, et pour beaucoup abattus par le choc du mot « cancer » tout en ignorant le sens du mot « lymphome », de ses traitements et de son pronostic. Néanmoins, depuis l'annonce, ils n'ont cessé de me soutenir. Primordial ! Mon épouse en tête, concernée par chaque examen, rendez-vous, hospitalisation, etc... La force se joue aussi là, la puissance et la solidité du couple. Ma fille, à qui une prise en charge psychologique est proposée si nous le souhaitons, tout comme à moi, à ma femme. Nous n'utilisons pas cette option mais c'est une alternative possible qui ajoute à notre ressenti, nous avons du monde avec nous. Je bénéficie aussi du soutien de nombreux collègues de travail, de tous horizons, jusqu’au président directeur général. Ce lien ininterrompu contribuera par la suite à une reprise professionnelle réussie. Je me tourne vers France Lymphome Espoir alors que je rechute suite à une réponse à 80%. Quel allié ! J'y découvre une multitude d'informations sur tous les points et –bonus- un forum qui va m'apporter un bien fou ! J'y rencontre des personnes formidables, certaines malades comme moi, d'autres en rémission partielle ou totale synonyme d'espoir, c'est bien le nom de l'association. Ce site devient mon quotidien et j'en apprends bien plus que des recherches internet dangereuses dérivant inévitablement sur des issues pessimistes. Plus je communique, mieux je vis la maladie, et quoi de mieux que des compagnons de galère pour évoquer mes maux. On m'aide, on me réconforte en m'instruisant et surtout, je reste connecté au monde. Plus tard, j'apporte moi aussi mon aide, si modeste soit-elle. Aujourd'hui, je reste résolument tourné vers l'association et souhaite davantage m'investir dès que j'en aurai la possibilité. Je ne peux donc qu'être satisfait de tout cet entourage, forcément bénéfique en complément bien sûr des soins terriblement efficaces. Avant de conclure, il y a quelques points sur lesquels il serait judicieux de progresser ; en premier lieu, les délais entre les différents examens et la communication des résultats. C’est très angoissant de savoir que les résultats sont disponibles et qu’on ne les connaît pas. Je souhaite également insister fortement sur la dimension humaine du rapport médecin/patient. Au gré de certaines prises en charge autres que par mon hématologue attitrée, des attitudes m'ont parfois moins plu : discours « robotisés », absence anormale d’intérêt, routine affreusement palpable, énervement inutile…Je suis parfois tombé de haut face à cette inégalité de rapports. Évidemment, les services sont surchargés. Mais le patient est dans une situation bien moins confortable que le médecin, ce dernier se doit de s'en imprégner à chaque entretien. A ce niveau là, la pédagogie est un terrain sur lequel il faut exceller !! A quoi bon expliquer au patient qu'il faut faire tel soin si le médecin lui-même donne l'impression de ne pas y croire ? Exerce-t-on bien son métier quand une annonce importante est faite dans un espace public ? Sacrifiant par là-même toute forme d'humanité et dérogeant à cette règle sacrée qu'est la confidentialité, bref l'éthique pure. C'est presque plus douloureux que la maladie. Je n'en ai heureusement que peu souffert moi-même. Mais d'autres bien plus... Mesdames et messieurs les médecins, chers hématologues mais aussi radiologues, chirurgiens, vous toutes et tous qui œuvrez pour nos vies, en nous expliquant posément et humainement les choses, en personnalisant vos entretiens, en étant attentivement à notre écoute et en agissant ensuite en conséquence, vous apportez une plus-value psychologique essentielle aux soins médicaux que vous nous offrez déjà. Si en plus, vous pouviez tendre vers encore plus de disponibilité ou de réactivité face à des demandes imprévues... Je conçois la difficulté de la tâche face au nombre de patients, mais n'oubliez jamais que pour un malade, chaque seconde qui passe en paraît dix, cent, mille...

Soyez bien conscients qu'à nos yeux, vous êtes et vous resterez notre première arme face à la maladie. Merci !